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Les escort-girls et l’argent

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’argent. De mon rapport à l’argent, et déconstruire, à mon niveau, quelques clichés sur le lien entre argent et prostitution.

Les clichés

Il y a, en gros, deux discours principaux sur les escort-girls que l’on peut trouver assez facilement dans les médias, à travers l’histoire individuelle de personnes réelles, parfois scénarisées pour correspondre aux clichés.

D’un côté, l’escort-girl haut de gamme qui baise dans le champagne avec des hommes de pouvoir, puis dépense tout en drogue et/ou en vêtements et accessoires de mode luxueux.

De l’autre, la prostitution forcée ou mal vécue, où la prostituée est soit exploitée et son argent récolté par un mac, soit traumatisée et préfère dilapider l’argent pour se sentir moins sale.

De manière générale, on considère que la prostituée ne peut pas gérer correctement son budget.

Alors, oui, ok, ces histoires existent dans la vie réelle. Mais ce sont des trajectoires individuelles dans les deux cas, et qui ne recouvrent absolument pas la réalité globale de toutes les escort-girls/travailleuses du sexe. Vous allez être surpris j’en suis sûre (non) : la réalité est beaucoup plus banale. Eh ouais, désolée de casser le mythe !

A qui servent ces clichés ?

Pourquoi ne voit-on que ces deux extrêmes dans les reportages, que ce soit dans des talk-shows ou dans des reportages, des interviews ou autre (à quelques exceptions près bien sûr) ?

Parce que d’une, le luxe ça fait le buzz, et la misère, ça fait le buzz aussi. On peut pousser des OH! et des AH! être émus, rêver, être confortés dans ce qui fait que notre petite vie est confortable, à quel point on est des gens bien, tout ça tout ça.

De deux, cela sert le discours abolitionniste, ce discours se disant féministe et qui souhaite l’abolition de la prostitution parce que ce serait moralement inacceptable. Donc en jouant sur l’idée de luxe qui mène à la dépravation, sur l’irresponsabilité des femmes qui exercent cette activité, ou sur l’horreur de situations très difficiles, on permet de créer une image faussée, qui permet de véhiculer un discours moral sur la prostitution, et qui donc justifie des lois qui au final sous couvert de protéger les TDS (travailleurs et travailleuses du sexe) et d’être féministes, sont des lois anti-putes et donc anti-féministes.

La réalité

Franchement, il n’y a pas grand chose à dire sur la réalité. Doit-on rappeler que les escorts, sont des femmes comme les autres ? Certaines, gagnent beaucoup et peuvent accéder à un certain luxe, changer de classe sociale et se créer une vie confortable et sécure. Mais pour cela, elles travaillent énormément, ce sont de véritables business women, qui sont tout l’inverse d’écervelées qui ne sauraient pas mettre d’argent de côté ou faire leurs comptes.

D’autres, gagnent un revenu décent, qui leur permet de vivre comme tout un chacun, payer la cantine et les fringues de leurs mômes si elles en ont (et donc pallier bien souvent à l’inconséquence des pères qui ne versent pas de pension alimentaire), payer leur loyer, financer une formation ou des études, avoir de quoi payer une mutuelle, se dégager du temps pour d’autres activités comme des passions, du bénévolat, du militantisme, se payer des livres, un nouveau frigo, un restau de temps en temps, etc…

Certaines, galèrent, sont des travailleuses pauvres, pour tout un tas de raisons sociales ou de santé ou les deux, mais n’en sont pas moins capables de gérer leur peu d’argent du mieux possible.

Et je dois dire que la quasi totalité des collègues que je connais, partagent une partie plus ou moins grande de ce qu’elles gagnent, avec des conjoints dépensiers, des collègues plus en galère qu’elles-mêmes, des cagnottes de soutien, des ami.es pauvres, soutenir leur famille, etc… Il existe une très grande générosité et un sens de la solidarité parmi les TDS, qui ne ressort jamais dans les reportages alors que c’est flagrant lorsqu’on discute entre nous. Je pense que de part notre statut de personnes mises au ban de la société “bien-pensante”, et de part nos situations rendues précaires par les lois qui nous visent directement, quelle que soit notre situation financière, nous savons que personne ne mérite d’être tout en bas de l’échelle sociale.

Sans les putes, je crois bien que la situation de pauvreté en France serait encore pire qu’elle ne l’est.

Voilà, petit hommage à mes consoeurs et confrères qui se reconnaîtront dans cette description !

La prochaine fois que vous payez une prestation à une escort-girl, dites-vous bien qu’une partie de cet argent sera ensuite redistribué. Je ne connais pas d’étude sur le sujet, mais je suis quasi sûre que c’est le cas également du salaire de bon nombres de femmes parmi les moins riches de notre pays.

Et moi dans tout ça ?

Eh bien moi, l’argent de l’escorting, me permet de dégager du temps que je peux consacrer à autre chose que travailler, car même si j’aime beaucoup mon métier, j’ai besoin d’avoir de nombreuses activités différentes dans ma vie pour être heureuse, et de temps pour ne rien faire, réfléchir, penser, rêvasser, lire.

L’argent du TDS me permet d’avoir une vie matériellement sécure, sans y consacrer tout mon temps, et donc de continuer d’apprécier mes rencontres, alors que je me suis lassée de toutes les autres activités rémunératrices que j’ai pu faire, à cause du “trop”, et du côté répétitif et épuisant.

Je suis plutôt du genre écureuil, et donc je mets de côté en banque pour les coups durs, mais aussi je me fais plaisir de temps en temps en allant au restau ou en mangeant au quotidien des produits de qualité, je finance ma formation de thérapeute, je donne ou prête de l’argent à des personnes qui me sont chères et qui ont besoin d’un coup de pouce. L’argent ne fait certes pas le bonheur, mais il en faut pour se sentir en sécurité, ce qui est la base minimale nécessaire au bonheur 🙂

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