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Dis-moi oui ! Et non aussi !

J’aborde enfin le fameux sujet du consentement. Ce terme, qui était il y a quelques années encore très confidentiel et qu’on entendait surtout dans les milieux féministes anarchistes, est à présent connu de presque tout le monde. Et c’est tant mieux ! Merci la campagne #metoo, merci les femmes connues qui ont osé parler de leurs expériences sur les plateaux télé.

Le mot est connu, certes.

Mais toi cher.e lecteur.ice, sais-tu si bien de quoi ça parle ? Que recouvre ce mot ? Qu’est-ce que ça signifie, dans la pratique ? Suffit-il de demander «tu baises ?» et que la personne réponde «ouaiiiis» ?

Définition

J’ai décidé de prendre la définition du dictionnaire, pour avoir une base sur laquelle on s’entend à peu près toutes et tous.

Le Robert en ligne nous dit ceci :

Acquiescement donné à un projet ; décision de ne pas s’y opposer. ➙ accord, assentiment, permission. Accorder, refuser son consentement.

Donc, le consentement, dans le cadre sexuel, c’est accepter, permettre un acte sexuel, qui peut aller du petit bisou dans le cou, aux pratiques les plus hard. Tant qu’il y a consentement entre adultes éclairés, tout va bien.

Tu proposes, je dispose

J’ai un premier souci avec cette définition. «décision de ne pas s’y opposer». Ça ne te fait pas tiquer toi ? Parce que moi, oui.
«permission». «acquiescement». Tous ces mots, renvoient au fait de dire oui, ou non, à quelque chose qu’on nous a proposé.

C’est un peu limité comme définition. Je pense que le consentement est un peu plus que ça. Si pour obtenir le consentement, on a lourdement insisté, est-ce que le consentement est toujours réel ? Si on a négocié le tarif, dans le cadre d’une relation commerciale, est-ce que le consentement n’est pas impacté par les difficultés financières de la TDS (travailleuse du sexe) ? Et est-ce qu’il faut verbaliser tout tout le temps ?

C’est pour toutes ces raisons, que l’on parle de «consentement libre et éclairé» d’un point de vue légal, et que le féminisme propose de parler de consentement «enthousiaste» quand on parle spécifiquement de sexualité. On ne doit pas juste s’assurer que la personne accepte ce qu’on lui demande de faire, on doit aussi s’assurer qu’elle le fait sans pression.

Comment on fait pour connaître le consentement de quelqu’un.e ?

Y a une technique infaillible : demander. Et stopper au premier non. Et ne pas insister si la personne dit «je sais pas» ou autre réponse floue. Quand y a un doute, y a pas de doute : on laisse tomber, surtout si on connaît très peu la personne. As-tu envie de faire passer un mauvais moment à quelqu’un.e, même sans t’en rendre compte, juste parce que tu auras mal interprété une réponse floue ?

Oui mais c’est chiant de demander tout le temps.

Au début : oui, c’est chiant. On est gếné.e, on a pas l’habitude de parler de ces choses-là, parce qu’on nous vend dans les films et la culture populaire de manière générale, que le sexe, ça doit être fluide, simple, naturel. Parce qu’aussi, les mots du sexe, c’est difficile à dire : pudeur, tabou, peur d’être vulgaire aussi parfois.

Mais pourquoi le sexe devrait être simple, fluide, naturel, alors que globalement, les relations humaines ne le sont que très peu ? Moi les relations fluides, simples et naturelles que j’ai dans ma vie, ce sont avec des personnes que je connais très très bien, et encore ! il y a toujours des incompréhensions, des difficultés, des remises à plat à faire.

C’est une question d’habitude. Les premières fois, on se sent gauche, un peu ridicule. «Euh, je peux te… euh… toucher les seins ?» Et puis petit à petit, à force d’entraînement, ça devient simple, fluide, et naturel, de demander. On peut trouver mille manières de tourner les choses pour rendre les demandes sexy «j’aimerais beaucoup mettre ma main dans ta culotte» en le chuchotant à l’oreille. Et l’autre répond «peut-être plus tard, mais là, j’adorerais que tu continues de m’embrasser dans le cou, t’en penses quoi si moi, je te caresse les fesses ?». ETc, etc…

Pour être honnête, c’est à présent tellement ancré dans ma vie sexuelle que je ne m’en rends plus tout à fait compte, ça vient tout seul, et je trouve ça super excitant que l’autre me dise ses envies, ou que je lui dise les miennes, sans pour autant qu’il y ait d’obligation à s’exécuter. Plus l’on met des mots, plus l’on est à l’aise avec, et plus on peut installer une grande confiance entre partenaires, se laisser vraiment aller, car on sait que l’autre n’ira pas au-delà de nos limites. Et là, je trouve que le plaisir devient exponentiel: un partage de corps à corps et de coeur à coeur.

Être attentif.ve à l’autre, ses envies, ses besoins, ses limites, est je trouve une belle marque d’amour. Si tu me suis depuis quelques temps dans ma sexolettre, je pense que tu sais que la sexualité est pour moi une manière d’aimer, de s’aimer, et que cela n’implique pas d’autre engagement que celui sur lequel on s’est mis d’accord : 1h, une nuit, ou plus.

Je dis oui, puis non, puis oui, puis non, non, non

Dire oui une fois, n’implique pas de continuer à dire oui pour tout ce qui suit.
Peut-être que j’ai juste envie qu’on s’embrasse, et pas plus.
Peut-être que tu as juste envie de caresses, et pas de pénétration.

Etc… et puis peut-être qu’à un moment, l’un.e de nous ou les deux n’a plus envie de rien du tout. Et c’est tranquille ! On est pas là pour se forcer

Consentement dans le cadre d’une relation tarifée

Il y a une petite nuance dans le cas de services sexuels payants. C’est que nous nous sommes mis d’accord sur une prestation à l’avance. Et donc de mon côté, je m’engage à faire ce que j’ai dit que je ferai. Le consentement est contractualisé en amont de la relation sexuelle, et donc ce n’est pas la même relation sexuelle qu’avec un.e partenaire non pro : je suis là pour toi avant tout, comme l’esthéticienne qui s’engage à t’épiler, ou la boulangère qui s’engage à te vendre du pain chaque jour de la semaine.

Hormis cette nuance importante, je peux, à tout moment, refuser une pratique ou une autre parce que vraiment, ce n’est pas le moment pour moi. C’est rare, mais ça arrive.

En sexe thérapeutique par contre, il n’y a aucune pratique sexuelle contractualisée en avance, car il s’agit d’avancer ensemble sur le chemin de ton épanouissement sexuel, et il est très important pour moi de pouvoir être authentiquement spontanée : il ne s’agit pas d’un service sexuel, mais d’un accompagnement, ce qui fait toute la différence. Dans ce cadre, les pratiques de consentement se rapprochent d’une relation sexuelle classique.

Pour terminer, je souhaite te dire que nous avons toutes et tous, ou presque, vécu des situations où notre consentement n’a pas été respecté : cela peut être un «baiser volé», une obligation enfant de faire des bisous ou des câlins sans qu’on nous demande notre accord, ou bien pire. Et nous nous sommes sans doute toutes et tous retrouvé.e.s dans la situation où nous n’avons pas respecté les limites de quelqu’un.e, dans le sexe, ou dans nos relations amicales, familiales et amoureuses.

Je t’invite à y repenser pour toi-même, et à en prendre la responsabilité : apprendre à dire non, apprendre à respecter le non des autres, à vivre des relations, sexuelles ou non-sexuelles, les plus consensuelles possibles.