Si tu prévois d’aller rencontrer une escort, ou si tu es déjà mon client et/ou celui de mes collègues travailleureuses du sexe, tu t’es peut-être déjà posé cette question.
Peut-être même que tu ne te la poses pas et que pour toi, c’est une évidence : c’est illégal.
Ou tu as vaguement entendu parler d’une amende pour les clients, mais tu n’en sais pas vraiment plus…
Cet article est là pour te donner un peu plus d’informations et te donner tous les éléments pour savoir dans quoi tu t’embarques.
Petite histoire des lois anti-prostitution en France
Je m’inspire largement de l’article wikipédia sur le sujet pour en faire un petit résumé, donc n’hésite pas à aller y jeter un œil.
Grosso modo, du 13ème siècle jusqu’à nos jours, en tant que prostituées nous n’avons jamais été laissées tranquilles par le pouvoir. Les lois ont fluctué, de l’interdiction totale avec saisie des biens (y compris les vêtements), jusqu’à la surveillance policière (voire le harcèlement policier) avec malgré tout l’autorisation légale d’exercer.
Une seule période de dépénalisation, c’est à dire pas de loi particulière encadrant le travail du sexe : de 1791 à 1802, au moment de la Révolution française. Cependant, le contrôle policier n’a jamais cessé même pendant cette période.
Globalement, on peut dire que la France (et elle n’est pas la seule), n’aime pas du tout les prostituées. Grosse hypocrisie puisque jusqu’à 25 % des hommes pouvaient être clients des prostituées.
Cependant au XXème siècle, s’amorce un tournant dans l’argumentaire des militant·e·s qui souhaitent supprimer la prostitution. On passe d’un discours nous décrivant comme coupables, à un discours nous décrivant comme victimes. Quand nous étions coupables de vice et d’atteinte aux mœurs, on pouvait nous contrôler et nous interdire d’exercer, ou nous contraindre dans des maisons closes. Maintenant que nous sommes victimes, il est possible de décider à notre place de ce qui est bon ou mauvais pour nous.
La loi de 2016 de pénalisation du client
Aujourd’hui encore, la prostitution se trouve toujours dans un entre-deux légal en France. Avant 2016, il y a eu différentes lois interdisant le racolage passif, permettant à la Police de harceler les travailleuses du sexe de rue. De par ce fait, la prostitution s’est progressivement déplacée sur internet via les sites d’annonces. Puis en 2016, les militant·e·s anti-prostitution (qui s’auto-proclament abolitionnistes mais c’est faux historiquement parlant, j’en parlerai peut-être une autre fois) ont adapté leur discours, pour nous présenter comme des victimes et donc annuler la loi anti racolage passif. Pour la remplacer par une loi tout aussi problématique, où c’est l’achat d’actes sexuels qui devient illégal, et non la vente.
La loi de 2016 punit tout achat de service sexuel de 1500€ d’amende. Cette loi a été créée afin de dissuader la demande, et donc de faire diminuer la prostitution. Elle n’a eu pour effet cependant que d’aggraver la situation des prostituées. En effet la loi fait peur aux clients bien intentionnés, et beaucoup moins aux agresseurs potentiels. De plus, les Tds (travailleuses du sexe) qui exercent dans la rue, en camion ou au Bois, se cachent de la Police pour éviter les amendes à leurs clients : ainsi elles sont moins visibles, moins protégées, plus vulnérables aux agressions.
Quant à la prostitution sur internet, elle est très peu concernée par cette loi, car quasi impossible de l’appliquer. Cependant, cela a diminué le nombre de bons clients y compris pour les escort girls, comme moi, qui prenons nos rendez-vous via les sites d’annonces.
La loi anti-proxénétisme
Le proxénétisme est interdit par une loi de 1946.
Tu te dis sûrement : c’est une bonne chose ! Et je te comprends. Il paraît logique, et humain, d’interdire l’exploitation des Tds. Moi-même, je suis d’accord avec cela. Sauf que le proxénétisme tel que l’entend l’État français, n’a rien à voir avec ce que la majorité des gens s’imaginent. Le proxénète, dans l’imaginaire collectif, c’est le sale type qui exploite des femmes, les forcent à se prostituer et récupère la moitié voire la totalité de ses gains. Ça on est d’accord, c’est à combattre ! Sauf qu’en fait, ces situations-là relèvent de l’exploitation ou de l’esclavagisme, qui sont déjà punies par d’autres lois.
En France, est considérée comme proxénète, TOUTE personne qui incite, aide, soutient ou permet le travail du sexe. Ce qui veut dire, dans les faits :
- qu’un compagnon de Tds qui souhaite l’accompagner à ses rendez-vous pour qu’elle soit en sécurité, même s’il ne lui vole pas son argent, est un proxénète et peut être condamné
- que si je donne des conseils à une personne qui souhaite se lancer, je suis une proxénète
- que le propriétaire d’une locatrice qui reçoit des clients chez elle, est proxénète et est dans l’OBLIGATION de l’expulser à partir du moment où il en a connaissance
- que toute personne de l’entourage qui profite des revenus d’une Tds est proxénète, par exemple ses enfants à leur majorité, ses ami·e·s si elle les soutient financièrement, son amoureux si elle lui paie des restaus…
Une situation ubuesque
L’acte d’acheter est clairement illégal. Mais finalement peu puni. La loi est plus dissuasive que réellement punitive, et a finalement comme effet de rendre la vie compliquée à moi et surtout à mes collègues dans la rue.
Cependant, vendre des services sexuels reste légal, et nous avons l’obligation de nous déclarer à l’urssaf. Les occasionnelles ne sont pas forcément déclarées mais les autres sont souvent installées en micro-entreprise.
En échange des cotisations sociales et des impôts que nous payons à l’État, nous n’avons pas de droits et nous risquons les discriminations en permanence, ce qui pousse au mensonge et à la clandestinité. Ça s’appelle Paie et tais-toi !
Par ailleurs, cette loi était sensée proposer des parcours de sortie aux victimes de la traite. Dans les faits, peu de personnes en ont bénéficié, et les conditions pour y accéder sont drastiques : arrêter toute prostitution (donc plus de revenus) et dénoncer son proxénète. Tout ça pour avoir droit à 443€ par mois… et en plus ce parcours de sortie pourrait exister sans pour autant rendre nos vies encore plus compliquées qu’elles ne le sont.
Résumé de la situation
En tant que client, si tu t’adresses à une escort sur internet, le risque d’être verbalisé est proche de 0. Dans la rue, le risque n’est pas nul, mais pour info il y a eu 1500 clients verbalisés par an depuis 2016, ce qui est ridiculement bas.